Tout le roman d’Antoine Choplin est écrit en équilibre, posé à la lisière, entre îles et mer, drame et félicité, passé et présent, silence et parole qui enfin advient. Et une barque pour faire le lien et aider un père et sa fille à retrouver leur part manquante.
Un roman superbement singulier, inoubliable dans ses dernières pages.
La Vie ou presque raconte les destins croisés de trois amis d’enfance et brosse autant de portraits de l’écrivain. Habilement construit, confié à un narrateur omniscient, il est dommage que dans ses dernières pages s’invite une distorsion dystopique qui, bien qu’infime, n'apporte rien de neuf et n’enrichit pas le propos fort intéressant au demeurant sur ce que peut la littérature pour sauver nos vies.
Le 2e roman de Marie Mangez est inspiré de l’affaire qui secoua en 2018 Der Spiegel, journal allemand de renom, sans en être la stricte réécriture. Si certaines situations sont fort similaires, Les Vérités parallèles, entre cynisme et compassion, est le récit de l’ascension et de la chute d’un grand reporter. Et montre comment la fiction, s’approchant davantage de la réalité que l’écriture fidèle des événements, s'avère suffisamment convaincante pour berner son monde. Et nous, lecteurs ?
Le Havre. Un corps sans vie a été retrouvé sur la plage de la digue Nord. Jour de ressac est un entrelacement d’histoires enfouies et d’autres récentes ; une superposition de couches de souvenirs sédimentés avec leurs fantômes, alors que la narratrice revient dans la ville de l'enfance. Si enquête il y a, elle est plus intérieure et intime que policière. Ce roman séduisant aurait gagné à éviter les références de commande aux sujets de société du moment qui diluent sa puissance évocatrice.
Sébastien Berlendis a une façon unique d’écrire l’été, les rencontres éphémères, l'attachement inquiet à ce qui disparaît. Les courts paragraphes de son 6e roman disent les instants indolents et les infimes variations selon le lac élu pour la journée dans un Berlin méconnu alors que le narrateur cherche l’histoire derrière les photographies et les films trouvés chez un brocanteur. Une atmosphère à la mélancolie grave, alanguie et sensuelle, la promesse follement romanesque d'une fin d'été.
Octobre 1799. Le général Bonaparte débarque en Provence après deux années passées en Égypte. Arrivé à Paris, ne trouvant pas Joséphine à leur hôtel particulier, il se rend chez Barras, persuadé que l'homme influent du Directoire, ancien amant de son épouse, sait où la trouver. S'ensuit un duel virtuose entre deux animaux politiques dotés d’une formidable mécanique intellectuelle, dont l’un est sur le déclin alors que l’autre sait qu'un destin s'offre à lui. Un texte en tension passionnant.
Oubliée la Provence de Pagnol et de Giono ! Oubliés le bleu têtu du ciel lavé par le Mistral, le chant lancinant des cigales, les senteurs de la lavande et des figuiers, des herbes de la garrigue, le temple sombre et silencieux des oliviers, le murmure frais des fontaines et le tranchant des crêtes des Alpilles palpitant dans l’épaisseur de l’air chaud. Ce qui macère dans Les Vallées closes de Mickaël Brun-Arnaud est laid et gratuitement vulgaire. Vite de l'air frais ! Vite de la lumière !
2030. 6 ans auparavant, un drame a eu lieu, éloignant Thomas de Zoé. Leur monde a changé ; le nôtre aussi. Isabelle Amonou a placé son roman à peine quelques années au-devant de notre temps. Cette anticipation infime évite les pièges de la dystopie traditionnelle. Confier la narration à une 3e personne non omnisciente entretient la tension sans faiblir contribuant au plaisir pris à la lecture de ce roman dur et dérangeant, désenchanté, parfaitement maîtrisé tant dans le fond que la forme.
D’après une histoire vraie. Le Gardien de Téhéran retrace la vie d'un homme ordinaire au destin extraordinaire dans un pays à l’histoire récente tumultueuse. Ce roman fort bien documenté couvre 5 décennies et tisse l’histoire singulière d’un homme modeste, discret et peu cultivé à celle d’un musée et à celle, plus large, d’un pays dont Stéphanie Perez restitue toute la complexité. À lire avec l'actualité iranienne en tête.
Un premier roman tout en retenue certes, mais profondément dérangeant sur un deuil impossible et la difficile bien qu’absolue nécessité d’être à l’écoute de la personne que l’on accompagne dans sa fin de vie. Un huis-clos mère-fille inquiétant, une mère possessive, une fille mutique, avant une fin apaisée.