Kinga Wyrzykowska s’inspire d’un fait réel, celui des reclus de Monflanquin et livre un réjouissant premier roman qui visite nos craintes contemporaines avec férocité et humour, en même temps qu’il sonde les histoires nauséabondes qui empoisonnent les familles. Patte blanche contient la bonne dose de critique sociale, de ridicule et de réalisme pour que l’on passe un très bon moment en compagnie des Simart-Duteil que l’on s’amuse à détester et dont on savoure la chute le sourire aux lèvres.
Merveilleuse polysémie du titre du premier roman largement autobiographique de Polina Panassenko. Qu’est-ce que tenir sa langue quand on est russe, que l’on vit en France depuis plus de vingt ans et que l’on s'aperçoit soudain que son prénom a été francisé pour faciliter l’intégration ? Que cette francisation a emporté avec elle le poids d’un héritage dont on ne voulait pas se délester ? Tenir sa langue pour ne pas trahir, pour survivre au choc du déracinement et tracer son propre sillon.
Les maisons vides est un premier roman d’atmosphère, habile dans sa construction et sensible dans son écriture, qui se joue du lecteur contraint de jeter des ponts entre deux fils narratifs et deux époques. Laurine Thizy impressionne par sa maturité.
Le premier roman adulte d’Anne-Fleur Multon, Les Nuits bleues, raconte l'amour naissant entre deux femmes dans un monde à l'arrêt, celui du confinement au printemps 2020. Comment se découvrir et s'aimer à distance ? Une histoire convenue, noyée dans un magma d'effets narratifs qui m'ont agacée avant de finir par me lasser.
Blizzard, premier roman de Marie Vingtras, est un récit en tensions. Un enfant s'est égaré au moment où un violent blizzard se lève. Alors que les recherches s'organisent, Bess, Benedict, Cole et Freeman prennent tour à tour la parole dans de courts chapitres d'à peine deux trois pages, pour raconter ce qui les a amenés à s’installer dans ce coin perdu d'Alaska. Et si leur rencontre était moins fortuite qu'il n'y paraît ?
Voilà un 1er roman à lire toutes affaires cessantes. Qui n’a pas eu envie, ces derniers temps, de sentir le sel des embruns et la fraîcheur du vent, de se noyer dans l’azur limpide du jour et la noirceur lumineuse du ciel nocturne, de rire avec les mouettes, d’être réconforté par les éclats sourds de lointaines conversations bon enfant. L’Enfant céleste est tendre et poétique, à l’image de la superbe couverture de Tristan Hollingsworth.
Oubliez l’atmosphère légère et mutine des nuits d’été que l’on imagine chaudes, lascives et langoureuses, harmonie de bonheur sensuel et d’amours éphémères. Les Nuits d’été de Thomas Flahaut est le roman du désenchantement, de la fin d'une époque. Authentique, porté par une écriture sobre et sincère, ce 2e roman, lent, raconte la fin d’un monde où la nuit s’infiltre partout. Un très beau récit.
On ouvre certains romans et, d'emblée, on s'y laisse couler, bien à l'aise. Et puis, on ouvre Fief, le 1er et, à ce jour, le seul roman de David Lopez qui, après avoir été sur les listes du Renaudot et du Médicis, reçut le prix Livre France Inter en 2018. Fief ou une certaine idée de la poétique du vide.
26 avril 1986, République Socialiste Soviétique d’Ukraine, Tchernobyl, Centrale nucléaire V.I. Lénine, Réacteur n° 4, 1 h 23.
Des chiffres austères, des mots secs, des données brutes pour dire une catastrophe industrielle, humaine et écologique aux conséquences sans précédent. Tout ce que n'est pas À crier dans les ruines, 1er né d’Alexandra Koszelyk qui tresse tragédie shakespearienne et mythes antiques.