Construit autour de la figure d’un père qui sans cesse se dérobe, Archipels n’a pas pour vocation d’en faire un portrait parfait, d’une précision pointilleuse. Hélène Gaudy sait la tâche impossible, elle qui doit élaborer son récit à partir de matériaux lacunaires, de souvenirs absents, de documents familiaux et d’objets par le père accumulés dans l’atelier parisien dont il vient de lui confier la clef. Archipels est une enquête, loin des clichés, qui revitalise habilement l’écriture du père.
Roman d’apprentissage autant que de filiation et de transmission, rappel discret de l’attention que l’on se doit de porter aux autres comme à soi-même... je suis épatée de la richesse des lectures qu’offre ce premier récit ; de la profondeur et de la pertinence de son propos ; de la justesse de son ton passant avec un naturel renversant de la gravité à la drôlerie la plus touchante ; de la grâce de son écriture. J’en ressors bouleversée et, paradoxalement, rassérénée. Ce récit est un cadeau.
Un carnet d'artiste dans lequel l’image n'est pas une redite visuelle du texte. Si on ne sait dire lequel du texte ou de la photo a préexisté, s’il est inutile de sonder l’image à la recherche d’une explication au texte, il est en revanche intéressant de voir ce que texte et photographie inventent ensemble. Un curieux petit objet, une entreprise poétique et plastique où le trouble vaporeux des photographies adoucit le tranchant des mots.
Jours envolés au jardin d’été de Xavier Gardette est un tout petit volume inracontable, une surprenante alchimie de forces élémentaires, un récit un rien suranné, un journal méditatif qui s’adresse à tous, amoureux des jardins ou non, et en particulier à ceux qui se réjouissent de ressentir la plénitude des émotions premières et y trouvent encore des raisons de vivre heureux.
Petites choses est un texte hybride : récit de voyage et d’expérience ; enquête sociologique et politique ; biographie. Une manière éclectique de faire littérature – à défaut de faire roman – qui ne m'a que partiellement convaincue. Quelle est la valeur ajoutée par la contribution de Benoît Coquil par rapport aux écrits, nombreux, l’ayant précédée sur le sujet depuis plus d'un demi-siècle ?
Penser un récit à travers l’image. Le voyage du carnet n’a pas eu lieu, du moins n’a-t-il pas eu lieu ailleurs que dans le regard que l’auteur pose sur les photos noir et blanc de trois photographes coréens, et quelques autres issues de collections privées. On voyage d'une photographie à l'autre à la rencontre d'une Corée non idéalisée, presque radicale. C’est une atmosphère, un état d’esprit, en aucun cas un reportage qui voudrait documenter le pays au mitan des années 1980. Un bel objet.
En 100 contes vrais, Sandrine Tolotti écrit sur cette chose familière que nous perdons parfois de vue : le quotidien, ses petits riens et leur content de merveilleux pour qui sait regarder. On émerge de ces voyages immobiles à la découverte des autres et de soi le sourire aux lèvres, le cœur chaud et la tête encore étourdie d’avoir rencontré des vies innombrables dont certaines entrent en résonance avec nos propres épopées minuscules. Épatant.
Nevermore de Cécile Wajsbrot est un livre singulier ; il y est question de temps qui passe, de disparitions fantomatiques, de dévastations passées, de créations et de renaissances, vus par le prisme de la traduction du cahier central, Time Passes, de To the Lighthouse de Virginia Woolf. Tâtonnements, doutes, désarroi d'une traductrice en deuil venue s'isoler à Dresde pour mener à bien ce travail. Passionnant.
Antoine Wauters rassemble au petit bonheur les fragments épars de sa mémoire. Les textes brefs — une page, un paragraphe, une unique phrase parfois — égrènent les souvenirs comme lieux d’une existence possible. Cette écriture à partir de soi pour aller à soi lutte contre l'oubli et offre une singulière et profonde réflexion sur son écriture qui a germé sur les manques et les contradictions de son enfance wallonne. Un récit fort et rare.
Céline Didier rend hommage à son grand-père. Hippolyte est mort le 2 juillet 1989, 45 ans jour pour jour après son entrée à Dachau. Lui le miraculé, le résistant a laissé un cahier rose, des notes, des brouillons — une trace. Sa petite-fille pense les liens à partir des écrits épars de ce grand-père adoré qu'elle a peu connu dans un texte en vers libres qui se lit dans un souffle. Puissant.