Construit autour de la figure d’un père qui sans cesse se dérobe, Archipels n’a pas pour vocation d’en faire un portrait parfait, d’une précision pointilleuse. Hélène Gaudy sait la tâche impossible, elle qui doit élaborer son récit à partir de matériaux lacunaires, de souvenirs absents, de documents familiaux et d’objets par le père accumulés dans l’atelier parisien dont il vient de lui confier la clef. Archipels est une enquête, loin des clichés, qui revitalise habilement l’écriture du père.
Tout le roman d’Antoine Choplin est écrit en équilibre, posé à la lisière, entre îles et mer, drame et félicité, passé et présent, silence et parole qui enfin advient. Et une barque pour faire le lien et aider un père et sa fille à retrouver leur part manquante.
Un roman superbement singulier, inoubliable dans ses dernières pages.
La Vie ou presque raconte les destins croisés de trois amis d’enfance et brosse autant de portraits de l’écrivain. Habilement construit, confié à un narrateur omniscient, il est dommage que dans ses dernières pages s’invite une distorsion dystopique qui, bien qu’infime, n'apporte rien de neuf et n’enrichit pas le propos fort intéressant au demeurant sur ce que peut la littérature pour sauver nos vies.
Le 2e roman de Marie Mangez est inspiré de l’affaire qui secoua en 2018 Der Spiegel, journal allemand de renom, sans en être la stricte réécriture. Si certaines situations sont fort similaires, Les Vérités parallèles, entre cynisme et compassion, est le récit de l’ascension et de la chute d’un grand reporter. Et montre comment la fiction, s’approchant davantage de la réalité que l’écriture fidèle des événements, s'avère suffisamment convaincante pour berner son monde. Et nous, lecteurs ?
Le Havre. Un corps sans vie a été retrouvé sur la plage de la digue Nord. Jour de ressac est un entrelacement d’histoires enfouies et d’autres récentes ; une superposition de couches de souvenirs sédimentés avec leurs fantômes, alors que la narratrice revient dans la ville de l'enfance. Si enquête il y a, elle est plus intérieure et intime que policière. Ce roman séduisant aurait gagné à éviter les références de commande aux sujets de société du moment qui diluent sa puissance évocatrice.
Sébastien Berlendis a une façon unique d’écrire l’été, les rencontres éphémères, l'attachement inquiet à ce qui disparaît. Les courts paragraphes de son 6e roman disent les instants indolents et les infimes variations selon le lac élu pour la journée dans un Berlin méconnu alors que le narrateur cherche l’histoire derrière les photographies et les films trouvés chez un brocanteur. Une atmosphère à la mélancolie grave, alanguie et sensuelle, la promesse follement romanesque d'une fin d'été.
N’est-ce pas vain de consacrer un livre de plus à celle que tant d’écrivains, photographes, poètes, peintres ont célébrée ? Benoît Casas démontre avec talent et humour qu’il est encore possible de renouveler la manière de raconter cette ville, d'enrichir notre regard. Venise toute dit une Venise intime et pourtant familière, sous la forme d'un abécédaire facétieux.
Un carnet d'artiste dans lequel l’image n'est pas une redite visuelle du texte. Si on ne sait dire lequel du texte ou de la photo a préexisté, s’il est inutile de sonder l’image à la recherche d’une explication au texte, il est en revanche intéressant de voir ce que texte et photographie inventent ensemble. Un curieux petit objet, une entreprise poétique et plastique où le trouble vaporeux des photographies adoucit le tranchant des mots.
Jours envolés au jardin d’été de Xavier Gardette est un tout petit volume inracontable, une surprenante alchimie de forces élémentaires, un récit un rien suranné, un journal méditatif qui s’adresse à tous, amoureux des jardins ou non, et en particulier à ceux qui se réjouissent de ressentir la plénitude des émotions premières et y trouvent encore des raisons de vivre heureux.
Une sélection de textes et de toiles toute subjective — la meilleure qui soit donc. Une promenade inspirée avec pour compagnons des écrivains tombés sous le charme de Venise, et des peintres qui l'ont immortalisée et magnifiée. Une manière originale et la plus belle des façons de (re)découvrir une ville-légende dont le nom seul fait rêver.