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Venise des peintres et des écrivains, Adrien Goetz, Hazan

 

 

 

 

 

Venise des peintres et des écrivains

Adrien Goetz

Éditions Hazan

240 pages

16/10/2019

29,95 €

Venise, voilà son secret, est un amplificateur. Si vous êtes heureux, vous le serez dix fois plus, malheureux, cent fois davantage. Tout dépend de votre disposition intérieure et de votre rapport à l'amour.

Philippe Sollers, Dictionnaire amoureux de Venise

   

Le livre avec sa couverture au cartonnage épais d’un rouge lumineux, ses élégantes lettres dorées et son médaillon central est un écrin superbe et l’intérieur, avec ses lourdes pages de papier glacé, un voyage merveilleux vers la Sérénissime. Vous allez dire que l’idée de faire dialoguer textes et toiles n’est pas neuve. Certes. Mais rarement dans des livres au contenu exigeant, aussi beaux et abordables (rarement plus de 30 €) que ceux des éditions Hazan, auxquels il m’est difficile de résister.

 

Au hasard des pages, on rencontre des écrivains tombés sous le charme de la ville, et des peintres qui y ont vécu et dont les tableaux l’ont immortalisée et magnifiée. Lord Byron ; Morand et son pluriel Venises ; Goethe et son Voyage en Italie ; Marcel Proust et Albertine disparue ; William Shakespeare et son Marchand ; Philippe Sollers, sa Fête et son Dictionnaire amoureux ; Thomas Mann et La Mort ; Henry James et Les Papiers d’Aspern ; George Sand et ses Lettres d’un voyageur ; Goldoni ; Taine ; Ruskin ; Larbaud, etc. en dialogue avec les tableaux des incontournables Turner et Canaletto, mais aussi Tiepolo ; Véronèse ; John Singer Sargent ; Bernardo Bellotto ; Luca Carlevarijs ; Monet ; Renoir ; Bolington, etc. Il est impossible et non souhaitable d’en donner ici la liste exhaustive — à la fin du livre, se trouvent la biographie ainsi que les cartels des oeuvres.

 

La sélection est toute subjective — la meilleure qui soit donc —, qui va du XVIe siècle à nos jours. Le choix des textes et des oeuvres évoque avec bonheur la ville et son atmosphère à diverses époques, à différents moments du jour et de la nuit, aux quatre saisons. Les mariages ne sont pas faits de hasard, ils ont été pensés pour que le texte par surimpression enrichisse l’image, et inversement. Une promenade inspirée, renouvelée (oui, c’est encore possible) dans une ville-légende — appellation que je préfère à ville-musée — telle que promise par Adrien Goetz dans la préface.

 

Le livre est découpé en cinq parties —Venise sérénissime ; Splendeurs vénitiennes ; Venise romantique ; Venise nocturne ; Venise instantanée – introduites par un texte court, mais essentiel, d’Adrien Goetz, de l'Académie des beaux-arts, docteur en histoire de l'art et Maître de conférence à la Sorbonne, que beaucoup de lecteurs connaissent grâce à la série de ses Intrigues à publiée chez Grasset et au Livre de poche, où l’on prend plaisir à courir après Pénélope et Wandrille  de Venise à Giverny, de Versailles à Brégançon, de Bayeux en Égypte.

Chacune des parties raconte une Venise : celle que nous connaissons tous — le palais des Doges, la place Saint-Marc, le pont des soupirs, la pointe de la Douane de mer, le carnaval, et celle, secrète, qui ne se dévoile qu’à quelques happy few aventureux quand ils empruntent volontiers les itinéraires buissonniers et les petits rii qui s’échappent de part et d’autre du méandre du Grand Canal. La focale s’agrandit alors que, prises toutes les cinq, elles offrent une vue d’ensemble de la ville dans le temps et l’espace, entre terre et mer, de sa lagune et de ses îles, sans épuiser un sujet par définition inépuisable puisqu’il se nourrit sans cesse d’imaginaire.

 

Une manière originale et la plus belle des façons de (re)découvrir une ville dont le nom seul fait rêver.


꧁ Cliquez sur chaque image pour l'agrandir 


Voici ce que Guy de Maupassant écrit à Venise, le 8 mai 1885 :

꧁ Canaletto, Le Grand Canal, le pont du Rialto et le Fondaco des Tedeschi, 1707-1750 ꧂
꧁ Canaletto, Le Grand Canal, le pont du Rialto et le Fondaco des Tedeschi, 1707-1750 ꧂

Venise ! Est-il ville qui ait été plus admirée, plus célébrée, plus chantée par les poètes, plus désirée par les amoureux, plus visitée et plus illustre ?

Venise ! Est-il un nom dans les langues humaines qui ait fait rêver plus que celui-là ?

Il est joli d’ailleurs, sonore et doux ;

il évoque d’un seul coup dans l’esprit un éclatant défilé de souvenirs magnifiques et tout un horizon de songes enchanteurs.

Venise ! Ce seul mot semble faire éclater dans l’âme une exaltation, il excite tout ce qu’il y a de poétique en nous, il provoque toutes nos facultés d’admiration. Et quand nous arrivons dans cette ville singulière, nous la contemplons infailliblement avec les yeux prévenus et ravis, nous la regardons avec nos rêves.

Aucun coin de la terre n’a donné lieu, plus que Venise, à cette conspiration de l’enthousiasme.

 Cette conspiration de l’enthousiasme…


꧁ Illustration ⩫ Michele Giovanni Marieschi, Santa Maria della Salute,  c. 1740 ꧂


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