La Canine de George
Sigolène Vinson
Éditions de l'Observatoire
288 pages
06/01/2021
20 €
« Si ce chagrin n'est pas soluble dans l'écriture, dans quoi pourriez-vous le diluer ? »
Anne-Laure Bondoux et Jean-Claude Mourlevat, Et je danse, aussi
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« Mon propos est la fiction. Parce que le réel, c'est mon chagrin. »
Il est beau le dernier roman de Sigolène Vinson, douloureusement beau. J’ai presque aussitôt pensé à une phrase lue il y a quelques années et dont j’ai peiné à retrouver la trace. Je viens de l'écrire en exergue, médusée d'y trouver un écho si clair à la phrase de Sigolène Vinson.
La Canine de George n’est pas qu’un récit prétendument halluciné ; je doute même qu’il le soit tout à fait. C’est surtout la mise à l’épreuve d’une quête que jalonnent les fulgurances terribles d’une tristesse sans fond sur le chagrin, la solitude
« je suis seule parce que nous le sommes tous »
la mort
« [ce] quiproquo impossible à démêler »
et des questions aussi essentielles que douloureuses
« l’effort doit-il être toujours surhumain ? »
Quand Sigolène Vinson commente à travers son personnage, de manière quasi métafictionnelle, que « ce qui compte ce n’est pas ce que je raconte », elle nous invite à ne pas occulter ce qui git sous les mots et, dans son cas, sous l'extrême pudeur de ses mots. Quand il est trop éprouvant de parler de ce qui a troué son existence un jour de janvier 2015, je ne peux que supposer que l’on reste seule avec un traumatisme qu’on ne peut partager avec personne et qui se terre là, indélébile. Oui, George n’est qu’un prétexte, ou plus sûrement comme elle le conjecture « peut-être n’est-il qu’une construction de ma solitude ».
Ce roman est douloureux aussi dans ce qu’il a d’universel en nous renvoyant sans ménagement à notre finitude « tout est mort tout est en train de mourir »… et nous donc, nous devrions l’accepter. Sauf que son personnage aimerait bien savoir « quelqu’un pourrait me dire quand je mourrai ». Ce questionnement, je le dis tout net, n’est pas le mien puisque, ce 7 janvier 2015, je n'ai pas vu la mort en face et, aujourd'hui, je ne suis pas une survivante.
La Canine de George, contrairement à ce que laisse penser son titre, n’est pas un roman sur George Harrison, c’est un roman pour se réparer, si cela est possible. Il s'ouvre et se referme sur deux lettres adressées à un « Dear Gardener » dont on ne saura rien - celui de Friar Park ? le premier jardinier de l'univers ? Qu'importe car, quel qu'il soit, on attend du jardinier qu'il ordonnance le chaos. Et c'est bien cela qui est à l'oeuvre dans ce roman. Comment ? C'est là aussi que réside le plaisir de cette lecture.
J’ai noté au hasard quelques petites trouvailles (?) dont j’ignore si elles sont le fait conscient de l’autrice ou ma part d’élucubration ! En voici une : en piochant deux lettres dans le prénom de chacun des personnages principaux se forme celui de Sigolène : LouISe, HelEN, GeorgE, AngeLO, comme si chacun d’eux, à sa façon, participait à la reconstruire en rassemblant des bouts d'elle-même. Mais peut-être - sûrement ? - est-ce trop tiré par les cheveux ?
Mon coeur est resté coincé entre ces pages, à la recherche du « souvenir des joies profondes » dont nous avons tous tant besoin. La Canine de George aura ses lecteurs conquis, telle Nicole Grundlinger du blog Mots pour mots, et les autres qui, comme l'un des personnages, resteront dubitatifs :
« Tu comprends ce que ça signifie, toi ?
— Que dalle. Je fume trop. »
J'appartiens à la première catégorie, mais aussi à celle des lecteurs qui lisent vite et ont besoin de revenir en arrière et laisser poser. Plus que jamais avec ce roman de Sigolène Vinson, qui est plus vaste que ce que je viens d'écrire.
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꧁ Photo en arrière-plan - George Harrison sur la plage de Cannes, France, 1976 - © Michael Putland ꧂
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