Ne nous mentons pas : cette réponse, vous l’avez attendue longtemps, parfois très longtemps, toujours trop longtemps, partagé entre espoir et crainte. Il va vous falloir décacheter cette enveloppe ou ouvrir ce courriel. Depuis que vous avez envoyé votre manuscrit, combien de fois avez-vous fait ce geste en pensée ? et savouré votre joie, les bons jours ? et ravalé votre déception, les mauvais ?
Ne croyez pas que je sois sans cœur et pourtant je vais sans délai vous faire perdre une de vos illusions.
Recevoir un courrier d’un éditeur n’est que rarement une bonne nouvelle.
Quand le manuscrit a plu, qu'il a franchi toutes les étapes pour, au final, conquérir le comité de lecture et l’éditeur, votre téléphone sonne. Ce n’est pas pour autant que l'horizon est totalement dégagé : viennent le contrat à étudier, les chausse-trappes d’un contrat douteux à éviter, votre texte à remanier, etc. Cependant une étape, et non la moindre, a été brillamment franchie.
Cela étant dit, je me penche ici sur les réponses négatives, celles qui font mal et douter.
1 - La lettre de refus type : elle fait mal et ne vous apprend rien
Avec elle, il y a fort à parier que vous ne saurez jamais pour quelles raisons votre manuscrit a été écarté. A-t-il été lu dans son entier ? abandonné après quelques pages ? victime d’un stagiaire croulant sous les manuscrits à sélectionner ?
Pour justifier le rejet, cette lettre invoque qu’en dépit de ses qualités, votre manuscrit ne correspond pas à la ligne éditoriale, qu'il n’a pas convaincu le comité de lecture, que l’éditeur publie peu et doit se montrer très exigeant, etc.
Oui, une telle lettre ne vous dit rien de pertinent sur votre texte. Selon la maison d’édition, votre manuscrit a pu être écarté par un stagiaire (à la rémunération aussi basse que sa pile à lire est élevée), un lecteur extérieur chargé de rédiger des fiches de lecture, le comité de lecture, le directeur de collection, voire l’éditeur lui-même comme c’était le cas chez P.O.L. Éditeur avant la disparition de Paul Otchakovsky-Laurens.
Il est peut-être temps de tordre le cou ici à quelques idées reçues :
- Si vous pensez que quelques minutes ne peuvent suffire à juger d’un manuscrit, vous vous trompez. Une orthographe fautive, des phrases bancales, une présentation brouillonne sont rédhibitoires dans presque tous les cas.
- Quoi que vous pensiez, un manuscrit n’est jamais refusé sans avoir été lu, ne serait-ce qu’en diagonale. Un éditeur vit de l’édition et ne courra pas le risque de passer à côté d’un bon texte. Certains l'ont fait et s'en sont mordu les doigts.
En revanche, vous gagnerez à vous interroger sur les causes possibles de ce refus. Quelles peuvent-elles bien être ?
- Sur le fond : votre manuscrit n’est vraiment pas bon, les incohérences sont nombreuses, les personnages stéréotypés, les dialogues artificiels et le lecteur n’est pas allé au-delà de quelques lignes. Le premier chapitre ne l'a pas convaincu d’aller plus loin.
- Sur la forme : votre manuscrit est bourré de coquilles, de lourdeurs, d’erreurs typographiques, etc. La présentation manque de clarté et le rend peu lisible.
- La chance n’était pas au rendez-vous. Parce que, oui, la chance est un des ingrédients du succès.
La bonne nouvelle est que je ne vois là rien d’impossible à corriger avec du travail.
Pour vous entraîner à l’écriture, faire que la vôtre s’affirme, je vous conseille de répondre à des appels à textes (AT) ou à des concours d’écriture. Certains sites se sont fait une spécialité de les recenser. C'est l'objet du site concoursnouvelles.com ou de la page de Jean-Pierre Planque. Il existe aussi des groupes Facebook Les appels à textes des maisons d'éditions ou Le Coin des Appels à textes ou encore Les concours d’écriture. Il m’est impossible de tous les citer et cela fera certainement l’objet d’un prochain billet.
N'hésitez pas à confier votre manuscrit à un correcteur qui le nettoiera de ses fautes d’orthographe, lourdeurs de style, incohérences, l'agrémentera d’une présentation claire, aérée pour une lecture agréable. Le faire lire à des bêta-lecteurs vous éclairera sur ses carences, ses faiblesses comme ses points forts. Si vos bêta-lecteurs n'accrochent pas, pourquoi un éditeur le ferait-il ?
2 - La réponse négative, mais argumentée : elle fait mal, mais vous éclaire
Certains éditeurs, même s’ils refusent votre manuscrit, prennent le temps de rédiger une réponse détaillée dans laquelle ils glissent des remarques sur les points à améliorer. Dans ce cas, vous pouvez être sûr que votre texte a été lu. L’habitude veut qu’ils se montrent encourageants, bienveillants, mais il arrive que leur plume soit trempée dans l’acide et que leurs critiques soient d’autant plus difficiles à digérer. On est en droit de se demander s'il est bien utile de doubler le refus de remarques cinglantes. Heureusement, ces cas sont rarissimes.
Il vous appartient de choisir la suite que vous souhaitez donner à cette réponse, bien sûr. Mon conseil est de laisser du temps au temps pour éviter de prendre une décision à vif que vous regretterez. Relisez le courrier, relevez les remarques qui vous parlent, retravaillez votre texte en essayant d’en tenir compte car, même si la réponse de l’éditeur n’a pas été à la hauteur de ce que vous attendiez, vous venez de recevoir l’avis d’un professionnel, ce qui mérite d’être considéré.
Vient à l'esprit cette anecdote cocasse rapportée par Jean Echenoz au sujet d'un repas mémorable pris avec Jérôme Lindon, le fondateur des éditions de Minuit :
« [Il] ne se borne pas à m'expliquer pourquoi mon livre est mauvais, mais aussi comment il est mauvais, mais aussi pourquoi et comment j'ai procédé ainsi, pourquoi et comment je me suis trompé, pourquoi et comment j'ai eu tort de me tromper. Dans cet exercice, il est remarquable. S'il confirme qu'il ne publiera pas mon livre, il me prévient aussi qu'il me fera une crise de jalousie si je tente de le faire paraître ailleurs. La situation paraît bloquée, voire foutue. »
Jean Echenoz est publié aux éditions de Minuit depuis son 1er roman, Le Méridien de Greenwich, en 1979 !
3 – La réponse qui invite à retravailler le texte : elle encourage, mais laisse perplexe
Ce courrier ressemble au précédent à une exception près et pas n’importe laquelle. Il vous invite à retravailler votre texte en tenant compte des conseils donnés en vue d’une nouvelle soumission.
Attention ! Ne vous emballez pas ! Votre manuscrit n'a pas été retenu, cependant il a éveillé l'intérêt de l'éditeur qui vous invite à le soumettre à nouveau après avoir procédé à quelques ajustements. Gardez à l'esprit qu'il s’agit d’une nouvelle soumission et que cela n’augure pas que votre manuscrit sera choisi pour publication. À vous d’amender votre texte. À l’éditeur de voir s’il est devenu suffisamment prometteur pour être publié.
Cette réponse en demi-teinte a de quoi irriter car chacun sait qu’aucun manuscrit n’est jamais publié en l’état, qu’il y a les immanquables corrections éditoriales que l’éditeur suggère à ses auteurs, même les plus aguerris. Elle sous-entend que l’éditeur a certes trouvé votre texte intéressant mais qu’il reste frileux et n'envisage pas de parier sur vous en prenant d'ores et déjà en charge le travail de correction.
Dans pareil cas, il est délicat de vous dire quelle conduite adopter. À vous de voir si vous voulez donner suite… ou pas. Certains auteurs acceptent de jouer le jeu, quitte à être déçus si leur manuscrit finit par être quand même refusé. Certains proposent leur texte à d’autres maisons d’édition et peuvent avoir la bonne surprise de séduire un éditeur.
❦
꧁ Photo - ©Peter Werkman ꧂
Écrire commentaire