« You can never tell a book by its cover » : on ne doit pas juger un livre à sa couverture. Les apparences sont trompeuses, même si, bien souvent, la première impression est décisive.
Vous ne me croyez pas ? Allez donc faire un tour en librairie. Les livres n’occupent pas seulement les rayonnages qui ne donnent à voir que leur dos ; ils sont aussi disposés sur des tables, mis en scène pour dévoiler leur couverture. Les lecteurs déambulent, laissent leur regard errer, s’arrêter sur un livre pour passer à un autre quelques minutes plus tard.
Alors comment un livre happe-t-il son lecteur ?
Par le regard.
La couverture, que ce soit par ses couleurs, son graphisme, doit donner envie au lecteur de prendre le livre en main, de lire la quatrième de couverture et, si l’opération séduction a été bien menée, de revenir à la maison avec l’objet convoité. La concurrence est âpre et si un livre a besoin de se faire remarquer pour assurer les ventes, c’est qu’il est devenu un produit de consommation qui doit se plier aux lois de marketing.
La couverture est donc une invite, une porte d’entrée que le lecteur ouvre pour aller plus loin, pour venir voir plus près. À partir de là, on trouve deux écoles. D’un côté, celle des éditeurs qui préfèrent la sobriété de manière à ne pas entraver l’imagination du lecteur. On pense alors aux belles couvertures très épurées, voire minimalistes, des éditions P.O.L ou des éditions de Minuit.
D’un autre côté, celle des éditeurs qui misent sur des couvertures graphiques, polychromes aux couleurs vives. On pense alors immanquablement aux magnifiques couvertures que David Pearson crée pour les Éditions Zulma. Seul signe de reconnaissance : un immuable triangle blanc. Nouvelle version du panache blanc d’Henri IV ? Les couvertures bigarrées des éditions Zulma font de beaux objets à l’identité forte, et correspondent bien à cette maison tournée vers les littératures du monde entier.
Il est aussi curieux de comparer les couvertures française et étrangère d’un même livre. Les couvertures françaises jouent la sobriété : une seule couleur, aucune illustration ; à l’inverse, des couvertures anglo-saxonnes volontiers tapageuses, voire racoleuses, avec leurs couleurs crues, leurs police et mise en pages extravagantes. Même si cela est en train de faire sa petite révolution.
Pourquoi de telles différences ?
Une explication possible est que la France est un pays d’éditeurs. Les grandes maisons d’édition sont des maisons familiales que Gaston (Gallimard), Bernard (Grasset), Ernest (Flammarion) - pour ne citer qu'eux - ont fondées au tournant du siècle dernier. Dans les pays anglo-saxons, la lecture est avant tout un loisir et l’éditeur, un commerçant comme un autre auquel il importe peu de laisser sa patte.
Les collections prestigieuses des maisons d’édition françaises portent le nom de la couleur de la couverture : on ne présente plus la Blanche de Gallimard, la Bleue de Stock et la Jaune de Grasset. Leur identité élégante est gage de sérieux.
De tout temps, cette sobriété a été perçue comme la marque d’une littérature faite pour l’élite, le texte se suffisant à lui-même, alors que les couvertures colorées et illustrées étaient la marque des éditions plus populaires. Mais un livre doit se vendre. Aussi, depuis de nombreuses années, voit-on apparaître jaquettes, bandeaux et couvertures illustrées qui sacrifient aux lois du marketing. L’objectif est de rendre la littérature populaire, de la démocratiser.
Enfin, la couverture d’un livre est sa carte d’identité, son passeport jusqu’à notre bibliothèque. Y figurent toutes les informations essentielles. L’auteur, le titre, la maison d’édition évidemment et, parfois, le genre.
Ainsi, vous qui venez d’écrire un livre et avez eu le bonheur de recevoir une réponse favorable d’un éditeur, sachez qu’en matière de couverture, vous n’aurez pas forcément - et même très rarement - votre mot à dire. Ce sera le cas si votre livre va trouver sa place dans une collection existante, car la maquette en est déjà figée. Peut-être serez-vous consulté pour choisir une éventuelle illustration, mais la police, la couleur du texte, la présence ou non d’un bandeau, d’une jaquette vous seront imposées.
La couverture est le reflet du contenu du livre, mais ce reflet n’est pas nécessairement fidèle. Une couverture peut être en décalage total avec le contenu, extrêmement travaillée ou jouer la carte de la sobriété. Une chose est sûre : cet habillage, premier contact du lecteur avec le livre, est l’objet de toutes les attentions.
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